[Le Havre] Ouverture de l'appartement témoin Perret

L’intimité d’une famille havraise des années 1950 :

Un appartement Perret offert à la curiosité du visiteur

Le souci des détails. Ici, posée sur le bureau, près d’une machine à écrire Remington, une « demande de règlement de l’indemnité de reconstruction ». Là, un Paris-Match daté du 5 mai 1956. Ailleurs, punaisé sur le mur de la cuisine, un almanach des postes de 1951, du mobilier signé Gabriel ou Beaudoin, des œuvres de Manessier et Arnould… Seuls les poissons rouges ne sont pas d’époque. Le visiteur aura l’impression de plonger dans l’intimité d’une famille havraise des lendemains de la reconstruction, dans ce cinq pièces de 99 m2 pleine vue sur la place de l’Hôtel de Ville du Havre. Samedi, cet appartement-témoin de la ville reconstruite par Auguste Perret sera ouvert au public pour des visites sur rendez-vous, tel celui de Le Corbusier à Marseille, de Tony Garnier à Lyon, de Gaudi à Barcelone…

« La reconstruction de ses WC va-t-elle entraver la reconstruction du Havre-Centre ville ? », titrait Le Havre Libre du 30 juin 1949. L’exposition des appartements-types de la Reconstruction alors présentée aux Havrais, deux ans après l’exposition internationale de l’urbanisme et de l’habitation, à Paris, fait couler beaucoup d’encre. Car Perret, le pape du classicisme structurel en matière d’architecture s’est mêlé d’aménager les espaces intérieurs des ISAI (immeubles sans affectation individuelle ou immédiate) avec des principes tout aussi modernes que son béton : rationalisation, cohérence, flexibilité, luminosité.

Fini les pièces de type Hausmannien affectées chacune à une fonction (salon, salle à manger, pièce de réception…), avec « une nouvelle distribution séparant les pièces sites « de représentation » des pièces « d’intimité », explique Vincent Duteurtre, architecte à la Ville du Havre. La répartition des espaces devient fonctionnelle, avec une seule pièce de vie rassemblant toutes ces fonctions. « La vie familiale doit tenir dans une grande pièce commune », clamait Perret qui oppose les espaces jour (côté rue) aux espaces nuit (côté cour), lesquels incluent l’espace toilettes, considéré comme un espace de « court séjour » et désormais dépourvu d’ouverture et d’éclairage naturel, objet de polémique. La flexibilité est créée par l’absence de mur porteur, les cloisons coulissantes permettant de redistribuer les espaces selon le choix des propriétaires, sans autre contrainte que celle des poteaux et des gaines techniques. Enfin, Perret le disait, « la femme ne doit plus être reléguée dans son trou » car « il n’y a plus de domestiques ». Alors, à la veille des Trente Glorieuses et de la libération de Moulinex, elle dispose des dernières trouvailles des arts ménagers et voit sa cuisine se réduire et s’aménager tel un laboratoire moderne.

Bientôt au Musée de France ?

Acquis par la Ville (215 000 €), l’appartement a été restauré (80 000 €) et réaménagé (80 000 €) avec des mobiliers glanés au fil de dons de Havrais et d’acquisitions chez antiquaires et brocanteurs avec les aides du Département, de la région, de l’Etat (réserve parlementaire) et de la Caisse des Dépôts et Consignation. Il devrait obtenir le statut de Musée de France, selon les souhaits de la Ville qui poursuit son travail de valorisation d’une architecture labellisée depuis juillet 2005 patrimoine mondial de l’Humanité.
Rens – Rés. Office du tourisme : 02.32.74.04.04. Tarif : 2/3 euros (gratuit moins de 18 ans et bénéficiaires spécifiques).

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