Grande Paroisse : La tour qui fait peur

Risques : un rapport des services de l'Etat pointe du doigt le site industriel de Grand-Quevilly

«C'est comme si la leçon d'AZF Toulouse n'avait pas été comprise. Grande-Paroisse Normandie joue avec nos nerfs, et potentiellement avec notre santé. Faudra-t-il un accident de type nuage toxique porté par les vents jusqu'au centre bourg de Grand-Quevilly pour que l'entreprise réagisse vraiment?» Les maîtres d'œuvre des associations Que Choisir à Rouen et Haute-Normandie Nature Environnement (*) mettent à l'index une tour où sont fabriqués les ammonitrates entrant dans la composition de fertilisants pour l'agriculture. Et de brandir un rapport montrant que toutes les mesures de sécurité ne sont pas prises, en tout cas dans les temps.
Alain Rouzies comme Claude Barbey (Que Choisir et Haute-Normandie Nature Environnement) participent au Coderst, conseil départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques.
A leurs côtés, des représentants de la préfecture, et surtout de la Dreal, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement. «Mardi 9février, en fin de séance, l'Inspection des installations classées présente un projet d'arrêté préfectoral non prévu à l'ordre du jour, raconte Claude Barbay. Il est relatif à Grande Paroisse Normandie (GPN), filiale de Total comme AZF à Toulouse; il concerne la mise en sécurité de la tour de Prilling où la fabrication des ammonitrates est opérée».
Problème sur cette tour, qui date de 1966 (une structure en béton de 50m de haut et de 14,5m de diamètre), la Dreal a déjà pointé du doigt en 2004 des fissurations, une dégradation de l'étanchéité de la toiture de la terrasse, une fracture verticale importante qui est passée de 2,5cm en 2004 à 5cm en 2008… «En décembre2008, un nouveau rapport réalisé par le cabinet CEBTP-Solen révèle une augmentation de la pollution de la tour en face sud, une fracture de la face sud montrant un caractère évolutif important et nécessitant un traitement curatif urgent, détaille Claude Barbay en citant le rapport de la Dreal. D'où de nouvelles préconisations, comme la reconstitution des éléments en béton armé, le traitement des armatures en vue de stopper la corrosion, le traitement des fissures, l'imperméabilisation des bétons…»
Qui plus est, lors de ce Coderst du 9février, les participants apprennent qu'une visite sur le site a eu lieu le 28janvier dernier, l'Inspection des installations classées notant alors que «l'exploitant ne l'a pas tenu informé de l'état de la tour de Prilling, malgré les dégradations importantes constatées par l'exploitant depuis plusieurs années». Ils découvrent également qu'un courrier des autorités, daté du 1juillet 2009 et faisant suite à une visite le 17juin 2009 (avec mention de fissures importantes et de longueurs conséquentes sur la tour) est resté sans réponse.
De quoi motiver un projet d'arrêté préfectoral, avec l'idée «de supprimer tout risque de détérioration de la tour, de mettre en sécurité les installations voisines…» Pour l'exploitant, il s'agit de présenter une étude avant le 30juin, échéancier des mesures envisagées à la clef.
«Sont accolés à cette tour un rack supportant une canalisation d'alimentation d'ammoniac, et une cuve d'acide sulfurique!, martèle Alain Rouzies. Voilà pourquoi un accident de type effondrement avec fuite nous inquiète».