Etalements, démographie et déplacements en région havraise

L’estuaire de la Seine doit savoir conjuguer “étalement“ et “influence“

Une centaine d’élus et fonctionnaires se sont retrouvés à Fécamp dans le cadre des conférences de l’estuaire (1). Il s’agissait cette fois de se pencher sur « les déplacements des habitants de l’estuaire de la Seine ». Selon une étude de l’Insee (septembre 2007) qui a servi de base à la réflexion, le pôle économique havrais est de loin le plus important de l’estuaire en concentrant la moitié des emplois, « Ce statut de pôle largement dominant pose la question de son étalement et de son influence spécifique sur l’ensemble de l’estuaire ». La zone d’influence havraise couvre la totalité du pays du Havre-Pointe de Caux mais aussi près de la moitié du pays des Hautes Falaises et une petite partie de celui de Caux-Vallée de Seine. En revanche, elle « bute » sur le pôle Bolbec, Notre-Dame-de-Gravenchon et Lillebonne. Sur l’autre rive, Lisieux, deuxième pôle de l’estuaire confirme sa position de pôle le plus structurant après celui du Havre.

Un « habitant » sur quatre habite à plus de 18 km de son lieu de travail

Le tiers des actifs résidant dans l’estuaire travaillent dans leur communes de résidences. Pour les autres, appelés les « navetteurs », un sur deux travaille à plus de 11 km et un sur quatre à plus de 18 km. Rapporté au temps de trajet « un navetteur sur deux est à plus de 20 minutes de son travail et un sur quatre à plus de trente minutes ». Selon l’Insee, trois secteurs géographiques se démarquent par des distances à l’emploi élevées : une grande partie des communes des communautés de Criquetot-l’Esneval et de la campagne de Caux dans lesquelles les navetteurs sont à plus de trente minutes de leur travail. « Plus attirées par le pôle havrais que par Fécamp, elles disposent de très peu d’emplois à proximité immédiate ». La façade ouest du Pays d’Auge se trouve dans le même cas de figure qui se situe dans les limites de l’influence caennaise et ne dispose pas de pôle d’emploi significatif. Pour une bonne partie des cantons de Quillebeuf-sur-Seine et Caudebec-en-Caux, un grand nombre d’actifs travaille de l’autre côté de la Seine et doit emprunter un pont pour gagner son lieu de travail. L’étude relève également des distances élevées dans une couronne à environ 20 km autour de Lisieux et de 20 à 30 km autour du Havre.

La baisse démographique havraise compensée par les autres communes de l’estuaire

La population de l’estuaire s’élève à 600.000 habitants, enregistrant une très légère augmentation de 0,6% entre 1999 et 2005, comparée à la tendance nationale qui approche le 4%. Avec 259.000 habitants, le Havre-Pointe de Caux est le perdant avec une population en baisse de 7.000 habitants; à l’inverse, les autres territoires ont une population qui continue d’augmenter : la rive sud a progressé de 7.000 habitants et la rive nord de 4.000.

La migration de la population vers la périphérie et l’augmentation du nombre de déplacements posent des questions aux élus. Pour le maire UMP du Havre, Antoine Rufenacht, la ressource fiscale diminue avec la baisse de population de la ville centre qui doit néanmoins continuer d’offrir les mêmes services et souligne la nécessité d’une « complémentarité du territoire pour rester compétitif ». Les élus s’interrogent également sur la demande accrue de transports collectifs susceptibles de répondre aux besoins d’une population « étalée ». « Ils ont un coût proportionnel à leur couverture géographique et risquent paradoxalement de renforcer le phénomène d’étalement de la population ». En retour Jean-Claude Weiss, président du syndicat mixte de Port-Jérôme, ne veut pas voir l’émergence sur l’estuaire « de la ville qui dort, de la ville qui travaille et de celle qui s’amuse ».

Grand-Havre et Grand-Rouen: l'impossible vision commune

« Nous avons longtemps souhaité une plus forte coopération entre Le Havre et Rouen mais les faits sont tenaces et il s’avère difficile de mettre en œuvre une vision commune en matière économique et culturelle ». Antoine Rufenacht enfile ses casquettes de maire du Havre, de président de la Codah et de président des élus de l’estuaire pour défendre le concept d’un estuaire qui « soit un pôle de développement qui compte au niveau national ». « Au fil des années, il est frappant de voir la complémentarité qui se crée sur les territoires de l’estuaire avec l’émergence reconnue de ville centre et d’un maillage de villes intermédiaires qui pèsent ensemble 600.000 habitants ». Il a ainsi alerté ses homologues de l’estuaire sur la nécessité d’être attentif à la ligne Paris-Le Havre et notamment sur l’hypothèse d’implantation d’une gare d’agglomération sur la rive gauche à Rouen. « Si un tel projet se réalisait, nous perdrions un quart d’heure supplémentaire pour rejoindre le Havre, ce n’est pas acceptable ». Il préfèrerait que soit retenue l’autre hypothèse de construction d’une gare à Sotteville-les Rouen, plus à l’écart du centre de la capitale régionale. « C’est moins intéressant pour les Rouennais mais plus important pour les Normands ». M. Rufenacht s’est également interrogé sur l’intérêt de dépenser plusieurs milliards d’euros pour un gain de quelques minutes entre Paris et Le Havre, alors que le véritable besoin des usagers porte sur le confort et la régularité.